À en croire Internet, l’éradication du téléphone dans les entreprises est déjà en marche depuis un moment. Outil obsolète, démodé, qui ne fait plus le poids face à la montée en puissance de la communication instantanée et de l’intelligence artificielle, le storytelling de certains articles à ce sujet nous décrit presque des scènes de science-fiction.
Le commercial du futur jongle avec des applications intégrées pour anticiper les demandes de ses clients, dirige une armée de chatbots pour répondre à leurs questions en ligne, et demande à Alexa de lui faire livrer une pizza à midi.
Et le combiné, dans tout ça ? La réalité démontre que, telle Rome qui ne s’est pas faite en un jour, le téléphone reste un outil privilégié de nombreux commerciaux et a encore un bel avenir devant lui.
Réclamé par les clients sur le point d’acheter
Un curieux petit paradoxe pour commencer : beaucoup vous diront qu’il leur est devenu pénible d’avoir des commerciaux au téléphone. Un récent rapport Gartner indique même que, d’ici 2020, plus de 85% des interactions entre un commercial et son client se feront sans l’intermédiaire d’un être humain.
Mais alors, achèteriez-vous vraiment votre voiture comme vous achetez un livre sur Amazon ? Demanderiez-vous à votre fournisseur de vous assister à distance par mail ou live chat pour l’installation de son logiciel ?
C’est la valeur ajoutée des informations qu’on échange par téléphone qui lui donne toute son importance dans les transactions commerciales. En B2B mais également en B2C, cette valeur ajoutée se manifeste le plus souvent dans la partie basse du funnel, lorsque la perspective d’un achat à un prix relativement élevé se précise, et qu’un accompagnement ou des informations capitales sont nécessaires à la prise de décision du potentiel client.
A ce moment-là, difficile d’imaginer une réponse plus professionnelle de la part d’un commercial que celle qu’il pourrait donner de vive voix. Pire, certains clients se sentiront moins en sécurité ou ne percevront pas la valeur du produit ou du service qu’ils convoitent tant que l’entreprise ne leur aura pas passé directement un coup de fil.
Contrairement au cold call qui est de moins en moins apprécié car intrusif et inattendu, le warm call produit ainsi un effet favorable à la conversion sur le futur client, puisque ce dernier le souhaite et l’attend.
Indispensable pour humaniser la relation client
Rappelez-vous, on avait déjà évoqué l’idée dans un précédent article. Jusqu’à son job title, le commercial d’aujourd’hui se veut un spécialiste, un conseiller-expert dont le rôle est d’épauler le client dans l’interprétation d’informations que celui-ci est désormais capable de trouver tout seul.
Là encore, il est question de valeur ajoutée. Mais cette fois, plus que de dépendre de la valeur estimée du produit ou du service vendu (plus le produit est cher, plus l’appel téléphonique sera de mise), c’est un gage de transparence et la promesse d’un suivi humain et personnalisé.
C’est ce que le conférencier Michaël Aguilar entend à travers son concept très évocateur de « chaleur ajoutée ». Certes, l’automatisation et l’intelligence artificielle prennent le pas sur certains process de vente à l’heure actuelle. Mais cela laisse un terrain non négligeable aux commerciaux pour intervenir là où les robots ne pourront pas aller, à savoir jouer sur les émotions et les expériences qu’ils transmettent. Et cela vaut aussi bien pour les Genius qui travaillent dans les Apple Stores que pour une équipe de vente de solutions SaaS de traitement d’appels entrants…
Et encore une fois, après le face-à-face, c’est le téléphone qui semble tout indiqué pour véhiculer tous ces messages destinés à rassurer dans le cadre d’un échange commercial. Certains optent également pour le format conférence vidéo pour accentuer encore plus l’idée d’accompagnement, mais cela demande souvent plus de préparation en amont qu’un simple coup de fil.
Renforcé par la puissance de l’omnicanal
D’après les données de Salesforce, les commerciaux passent en réalité à peine 1/3 de leur temps à closer et qualifier leurs leads. En effet, la vente ne se résume pas à une signature sur un contrat, et elle est l’affaire d’un grand travail de planification en amont. Identifier les suspects, mesurer les opportunités, prioriser les contacts et gérer les données clients sont autant de tâches supplémentaires à prendre en compte dans le quotidien d’un commercial.
Or, il se trouve que c’est précisément ces tâches qui sont ciblées par ce phénomène d’automatisation dont tout le monde parle ! L’idée est justement de développer des programmes capables de comprendre et d’exécuter ce qui est récurrent, afin de libérer du temps aux commerciaux pour qu’ils puissent s’adonner à la partie de leurs missions qui implique des contacts humains par email, téléphone ou rendez-vous.
Ainsi, plutôt que de penser le téléphone condamné par les solutions digitales, il faut voir ces dernières comme un moyen de compléter l’activité de la fonction commerciale qui lui est liée. Et c’est ce cocktail d’outils qui représentera la véritable force du commercial de demain !
***
Pour conclure, deux choses. D’une part, l’idée d’un phénomène d’automatisation de la fonction commerciale est bien pertinente, mais le client recherche de son côté une expérience plus humaine. La conception des solutions digitales au service du commercial tourne donc surtout autour de la problématique d’optimiser son temps pour travailler sur les aspects émotionnels. Sur ce terrain, les algorithmes ne sont pas près de le remplacer.
Et d’autre part, si le téléphone a bien sa place dans la fonction commerciale pour de nombreuses années encore, son utilisation subit elle aussi des transformations. Le mobile gagne de plus en plus de terrain, ainsi que la reconnaissance vocale et le recours au langage naturel. Et la communication que le téléphone permet d’établir entre les commerciaux et leurs clients demeure encore bien trop précieuse pour que sa fin ne soit annoncée !