La course à l’innovation fait toujours rage aujourd’hui dans l’entrepreneuriat, avec comme espoir une idée, un concept, un produit pour bousculer les marchés et donc aider à développer une activité fructifiante. Il est pourtant de plus en plus difficile d’innover, et même lorsque l’on y parvient, il faut que cette innovation trouve son public.
Le call tracking est un exemple récent de réussite d’innovation et de sa diffusion dans le monde et en France. Au travers de cette innovation marketing, nous allons analyser l’adoption d’une innovation et quels sont les facteurs de son succès.
La théorie de la diffusion des innovations
La « théorie de la diffusion des innovations » n’est autre que le nom de l’ouvrage rédigé initialement en 1962 par Everett Rogers. Rogers, sociologue et statisticien américain, s’est d’ailleurs rendu célèbre grâce à cette théorie toujours incontournable aujourd’hui dans le domaine de l’étude de l’innovation.
Basé sur l’analyse des comportements adoptés par la population, cet écrit présente notamment la courbe décrivant le cycle de diffusion de l’innovation :
Ce cycle exprime l’adoption d’une innovation dans le temps par différentes catégories sociales définies par Rogers : les Innovateurs, les Premiers adeptes, la Majorité précoce, la Majorité tardive et les Retardataires.
Rogers évoque aussi tous les facteurs pouvant influencer la vitesse d’adoption d’une innovation, et donc son évaluation sur la courbe. Il cite notamment la capacité d’une innovation à « persuader » les individus en fonction de son avantage relatif ou encore de sa complexité d’utilisation. Par exemple, l’iPod Touch a rapidement été adopté pour sa grande capacité de stockage (avantage relatif) et sa facilité d’utilisation grâce à un écran tactile et une interface ergonomique.
Le modèle diffusionniste élaboré par Rogers est très complet. Et encore plus dans la mesure où ce modèle a été mis à jour 5 fois, dont les derniers changements apportés en 2003. De plus, d’autres spécialistes sont repartis de ces travaux pour compléter le modèle, comme c’est le cas de Geoffrey Moore.
En 1991, Moore publie Crossing the Chasm dans lequel il repart du cycle de diffusion de l’innovation établi par Rogers et y ajoute sa contribution : le chasm, ou fossé en français.
Sa théorie, ou du moins les grandes lignes, est simple à appréhender. Une innovation ne se diffuse pas de manière linéaire à travers le temps, comme selon le modèle de Rogers. Elle doit, à un moment donné, franchir un fossé pour se diffuser pleinement. Si ce chasm n’est pas passé, la diffusion de l’innovation est alors un échec.
Pour Moore, ce fossé se situe précisément entre les premiers adeptes et la majorité précoce, comme présenté ici :
Moore explique que les adopteurs de l’innovation avant et après ce fossé présentent des profils très différents, et constituent des marchés de nature différentes. En effet, avant le chasm, les innovateurs et premiers adeptes sont des tech-enthusiasts à l’affût de la moindre nouveauté technologique, ils représentent donc un early market pour l’innovation concernée.
Après le chasm, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires regroupent des personnes aux besoins beaucoup plus structurés. Ils recherchent des solutions complètes et faciles d’utilisation, qui répondent à un besoin pour eux-mêmes ou leurs entreprises. Ils forment un mainstream market.
En d’autres mots, pour franchir le chasm, une innovation doit s’adapter à un nouveau marché, potentiellement très différent de son early market. L’innovation doit trouver son market-product-fit pour atteindre et conquérir son marché dominant, et cela peut passer par le besoin de nouvelles fonctionnalités, le ciblage de nouveaux segments ou le développement de nouveaux modes de distribution.
En marge de cette théorie de la diffusion de l’innovation de Rogers et reprise par Moore, il existe d’autres modèles, comme la théorie du lead-user de von Hippe en 1986 ou la théorie de l’open innovation développée par Chesbrough en 2010.
Le call tracking et sa diffusion en France
Le call tracking est une innovation permettant aux entreprises, et en particulier à la fonction marketing, d’analyser l’origine des appels reçus et ainsi d’identifier les supports et sources de trafic qui génèrent des leads par téléphone. L’entreprise calcule alors précisément son coût contact et optimise ses budgets et campagnes marketing.
Le call tracking a fait son apparition il y a maintenant presque 20 ans aux Etats-Unis. Et aujourd’hui, le call tracking y évolue sur un marché très mature et vaste. On estime qu’en 2019, plus de 600 000 entreprises aux Etats-Unis utilisaient du call tracking, et ce chiffre est en constante progression. Différents acteurs se partagent ce marché, et on peut citer par exemple CallRail, Marchex, Invoca ou encore Call Tracking Metrics.
Sur le marché US, la diffusion de l’innovation call tracking est donc bien entamée et semble déjà toucher la majorité tardive. Mais ce n’est pas forcément le cas à l’échelle mondiale, car chaque pays et chaque marché est différent, et les innovations ne s’y diffusent donc pas de la même manière, avec la même rapidité.
Tout particulièrement pour les nouvelles pratiques et outils marketing, les Etats-Unis sont connus pour être un territoire précurseur. De nombreuses techniques et technologies marketing se sont développées et perfectionnées là-bas avant de se diffuser en Europe et dans le reste du monde : l’Inbound Marketing par exemple, ou plus récemment l’Account Based Marketing (ABM).
En France, le Call Tracking a fait son apparition il y a une dizaine d’années. À cette époque, le marketing digital faisait déjà partie intégrante de bon nombre de stratégies de développement, mais était encore en phase d’expansion.
La démarche ROIste et data-driven aujourd’hui fortement liée au marketing digital est, quant à elle, arrivée plus tard. En effet, son développement s’est accéléré ces 5 dernières années, avec une adoption toujours plus appprofondie du marketing digital et de ses outils comme Google Analytics, Google Ads, Marketo et bien d’autres.
La digitalisation des entreprises et ce besoin de mesurer pour optimiser les performances et leurs investissements ont été le terrain propice à la diffusion du call tracking. En permettant aux entreprises de mesurer, pour chaque investissement, combien de leads par téléphone sont générés, le call tracking a réussi à passer le chasm français et atteindre son early market.
Bien sûr, cette adoption diffère selon les secteurs d’activité. On peut observer notamment que l’innovation du call tracking est portée par les agences digitales qui démocratisent son utilisation. D’autres secteurs ont aussi très rapidement adopté l’outil, comme l’immobilier ou l’automobile.